La gestion des documents est une obligation majeure pour les officines pharmaceutiques. Les pharmaciens doivent conserver divers types de documents : ordonnances, registres de stupéfiants, archives comptables, etc. Ces obligations ne sont pas qu’une simple formalité. Elles garantissent la conformité légale, la traçabilité des produits et la protection des données des patients.
Le présent article a pour objectif d’éclairer les pharmaciens sur les obligations légales en matière de gestion documentaire et de la durée de conservation des documents en pharmacie. Que vous soyez pharmacien titulaire ou adjoint, ce guide vous aidera à être en règle tout en simplifiant vos démarches.
DEVIS ARCHIVAGE
Les différents types de documents en pharmacie et leurs durées de conservation
L’officine pharmaceutique génère une grande quantité de documents qu’elle doit conserver, chacun répondant à des obligations légales spécifiques en matière de durée de conservation. On peut les classer en plusieurs catégories, et ce selon l’énoncé des articles du Code de la santé publique :
Les documents relatifs aux médicaments et aux produits de santé
Cette catégorie regroupe les documents essentiels à la traçabilité des médicaments et au suivi des patients.
1. Les ordonnances
En règle générale, les ordonnances doivent être conservées pendant 3 ans à compter de leur date d’exécution (Article R5132-35). Cette durée permet notamment les contrôles de l’assurance maladie. C’est le cas également pour les copies d’ordonnances de médicaments classés comme stupéfiants ou relevant de la réglementation des stupéfiants.
Il est important de noter que même si la durée légale est de 3 ans, il est souvent conseillé de conserver les ordonnances plus longtemps, notamment en cas de litige ou de nécessité de reconstituer l’historique d’un patient.
Informations importantes : L’ordonnance est un document nominatif contenant des données de santé à caractère personnel et est donc soumise aux règles du RGPD.
2. Les bons de commande et de livraison :
Les bons de commande et de livraison des médicaments et autres produits de santé doivent être conservés pendant 5 ans (Article R. 5124-58 du CSP). Ils permettent de justifier les achats et les mouvements de stocks.
4. Les bons de traçabilité des lots de médicaments
Les bons de traçabilité des lots de médicaments ou autres produits pharmaceutiques acquis doivent être conservés pendant 5 ans (Art. R. 5124-58). Ils sont indispensables en cas de rappel de lots ou de problèmes de qualité.
3. Les registres de stupéfiants
Sont conservés pour une durée de 10 ans :
- Le registre comptable des médicaments stupéfiants et les documents attestant de leur destruction (Art. R. 5132-36). Cette durée plus longue se justifie par la nature particulière de ces substances.
- Le registre des médicaments relevant des listes I, II et des stupéfiants (Art. R.5132-10).
5. Registre des préparations magistrales ou officinales
Le registre des préparations magistrales ou officinales est conservé pendant 10 ans (Art. R.5125-45).
Les documents comptables et administratifs
Ces documents sont liés à la gestion financière et administrative de l’officine.
1. Les factures (achats, ventes, honoraires)
Les factures doivent être conservées pendant 10 ans (Article L. 123-22 du Code de commerce) pour répondre aux obligations fiscales et commerciales.
2. Les documents sociaux
Les documents sociaux (registre du personnel, système DIMONA, comptes individuels, contrats d’étudiants, déclarations ONSS) doivent être gardés pendant 5 ans (Document UPHOC).
3. Les documents relatifs aux assurances et aux organismes de santé
La durée de conservation de ces documents peut varier en fonction des conventions et des accords passés avec les différents organismes. Il est conseillé de se renseigner auprès de chaque organisme concerné. En général, on recommande une conservation de 5 ans minimum.
Les autres documents spécifiques
Le pharmacien peut avoir à garder des documents qui ne sont pas liés à son activité principale de pharmacien. Il s’agit généralement des documents liés aux essais cliniques et ceux relatifs aux vigilances sanitaires (déclarations d’effets indésirables).
La durée de conservation de ces documents est généralement définie par les protocoles et les accords établis entre les différentes parties prenantes (Délibération n° 2019-057 du 9 mai 2019).
Tableau récapitulatif des obligations de conservation des archives pharmaceutiques en termes de durée
Document |
Durée de conservation |
Texte législatif |
Ordonnances |
3 ans |
Article R5132-35 du Code de la santé publique |
Les copies d’ordonnances de médicaments classés comme stupéfiants ou relevant de la réglementation des stupéfiants |
3 ans |
Article R5132-35 du Code de la santé publique |
Bons de commande et de livraison |
5 ans |
Article R. 5124-58 du CSP |
Les bons de traçabilité des lots de médicaments ou autres produits pharmaceutiques acquis |
5 ans |
Article R. 5124-58 du CSP |
Le registre comptable des médicaments stupéfiants et les documents attestant de leur destruction |
10 ans |
Art. R. 5132-36 |
Le registre des médicaments relevant des listes I, II et des stupéfiants |
10 ans |
Art. R.5132-10 |
Le registre des préparations magistrales ou officinales |
10 ans |
Art. R.5125-45 |
Les factures (achats, ventes, honoraires, etc.). |
10 ans |
Article L. 123-22 du Code de commerce |
Les documents sociaux |
5 ans |
UPHOC |
Documents d’assurances et organismes de santé |
Variable (minimum 5 ans) |
– |
Quelles sont les dispositions légales du pharmacien en matière de conservation de documents ?
L’archivage des documents est encadré par un ensemble de textes législatifs et réglementaires auxquels l’officine doit se conformer. Le non-respect de ces obligations entraîne des sanctions.
Les textes de loi et les réglementations en vigueur
Plusieurs textes législatifs et réglementaires régissent la conservation des documents en pharmacie. Parmi les principaux, on peut citer :
- Le Code de la santé publique (CSP) : il contient de nombreuses dispositions relatives à l’exercice de la pharmacie, notamment en matière de conservation des ordonnances, des préparations et des documents liés aux médicaments.
- Le Code de commerce : il fixe les règles relatives à la conservation des documents comptables, notamment les factures.
- Le Règlement général sur la Protection des Données (RGPD) : il encadre le traitement des données personnelles, y compris les données de santé contenues dans les ordonnances et autres documents.
Outre les textes législatifs, le pharmacien peut se méfier des documents de l’Union Pharmaceutique du Hainaut Occidental et Central (UPHOC) et aux Bonnes Pratiques de Préparation (BPP) qui fournissent des recommandations sur la gestion de la documentation relative à son exercice. Ce dernier est également tenu de suivre les évolutions de ces textes et de veiller à leur application au sein de son officine.
Les sanctions en cas de non-respect des obligations
Le non-respect des obligations de conservation des documents peut entraîner des :
- Sanctions administratives : avertissements, mises en demeure, suspension d’activité.
- Sanctions financières : amendes.
- Sanctions pénales : dans les cas les plus graves (par exemple, falsification de documents), des peines d’emprisonnement peuvent être encourues.
Il est donc essentiel de prendre les mesures nécessaires pour assurer la conformité de son officine en matière de conservation des documents.
Comment archiver ses documents en pharmacie ?
La conservation des documents en pharmacie répond à des règles strictes imposées par la réglementation. L’officine peut faire son archivage en format papier ou numérique dans l’optique de sécuriser les données tout en optimisant l’accès aux informations importantes.
L’archivage papier des documents d’une pharmacie
Sans surprise, ceci consiste à garder les documents à leur état physique dans un lieu dédié. L’archivage papier présente ainsi l’avantage d’être simple à mettre en œuvre sans avoir besoin de recourir à la technologie. Toutefois, les archives peuvent vite devenir encombrantes. Il devient dès lors difficile de s’y retrouver, lorsque le pharmacien aura besoin d’un document en particulier, sans évoquer le risque de détérioration (incendie, inondation, perte).
Pour maximiser l’efficacité de cette méthode d’archivage, il est essentiel d’adopter de bonnes pratiques comme :
- Utiliser des classeurs ou des boîtes adaptés.
- Stocker les documents dans un environnement sec et stable.
- Organiser un système de classement clair, par exemple par date ou par type de document.
Enfin, une procédure de destruction sécurisée, comme le broyage, doit être prévue pour éliminer les documents après leur durée légale de conservation.
L’archivage numérique des documents de l’officine
L’archivage numérique des documents de l’officine
L’archivage numérique offre des avantages significatifs, comme le gain de place, la simplification et l’accélération de l’identification et recherche des documents, l’accès à distance et la pérennité accrue grâce aux différents systèmes de sauvegardes comme le cloud. Cependant, il nécessite un investissement dans des solutions informatiques adaptées, avec des risques de perte de données (pannes ou cyberattaques) et des contraintes liées à la conformité légale.
Pour une gestion optimale, il est recommandé d’utiliser des systèmes d’archivage conformes aux normes, comme la NF Z42-013, de mettre en place des sauvegardes régulières et externalisées, et de garantir la confidentialité des données par des accès restreints et des techniques de cryptage. Enfin, la valeur probante des documents numérisés doit être assurée en respectant les exigences légales, telles que la signature électronique et l’horodatage.
Que faire des archives si la pharmacie ferme ?
La fermeture d’une officine, qu’elle soit définitive ou temporaire (transfert, travaux), soulève des questions spécifiques concernant la gestion des archives. Il est crucial d’anticiper cette situation et de mettre en place des procédures claires pour assurer la continuité du suivi des patients et le respect des obligations légales.
Cas de la fermeture définitive de l’officine
En cas de cessation définitive d’activité, le pharmacien titulaire ou ses héritiers doivent prendre les mesures suivantes :
- Information des autorités compétentes, notamment l’Agence Régionale de Santé (ARS) et le Conseil Régional de l’Ordre des Pharmaciens (CROP) de la fermeture.
- Transfert des archives à un autre pharmacien, désigné en accord avec le CROP. Ce pharmacien assurera la conservation des documents pendant les durées légales. Il est important d’établir une convention de transfert précisant les modalités de conservation et d’accès aux documents.
- Destruction des documents : après les délais légaux de conservation, la destruction des documents doit être effectuée de manière sécurisée et confidentielle tout en conservant une trace de cette destruction (date, méthode, quantité de documents détruits).
Cas particulier des stupéfiants : Les registres et les documents relatifs aux stupéfiants doivent être traités avec une attention particulière. Leur destruction doit être réalisée en présence d’un représentant de l’ARS ou des forces de l’ordre, et un procès-verbal doit être établi.
Cas de la fermeture temporaire de l’officine
Lorsque le pharmacien entreprend des travaux ou un transfert de son local, les archives doivent être mises en sécurité et rester accessibles en cas de besoin. Les documents papier doivent être stockés dans un lieu sûr, sec et à l’abri de toute détérioration. Quant aux données informatiques, elles doivent être sauvegardées et protégées contre les accès non autorisés.
Pendant la période de fermeture, il doit être possible d’accéder aux documents en cas d’urgence ou de demande d’information suivant une procédure mise en amont. Il est tout de même conseillé d’informer les patients de la cessation temporaire de l’activité et des modalités d’accès aux services pharmaceutiques pendant cette période.
Cas spécifique du pharmacien remplaçant
Le pharmacien remplaçant n’est pas responsable de la conservation des archives de l’officine. Cette responsabilité incombe au pharmacien titulaire. Cependant, il est important que le remplaçant ait accès aux informations nécessaires à l’exercice de ses fonctions (par exemple, les protocoles de l’officine, les informations sur les patients).
En conclusion
La gestion documentaire en pharmacie est un enjeu important pour la conformité réglementaire et la protection des données de santé. Un archivage rigoureux, associé à une bonne connaissance des textes législatifs, permet non seulement d’éviter les sanctions, mais aussi d’optimiser la gestion de l’officine. Les pharmaciens doivent donc accorder une attention particulière à cette activité afin de garantir la qualité et la sécurité des soins dispensés.
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